Quatrième de couverture
Al Kenner serait un adolescent ordinaire s’il ne mesurait pas près de 2,20 mètres et si son QI n’était pas supérieur à celui d’Einstein. Sa vie bascule par hasard le jour de l’assassinat de John
Fitzgerald Kennedy. Plus jamais il ne sera le même. Désormais, il entre en lutte contre ses mauvaises pensées. Observateur intransigeant d’une époque qui lui échappe, il mène seul un combat
désespéré contre le mal qui l’habite. Inspiré d’un personnage réel, Avenue des Géants, récit du cheminement intérieur d'un tueur hors du commun, est aussi un hymne à la route, aux grands
espaces, aux mouvements hippies, dans cette société américaine des années 60 en plein bouleversement, où le pacifisme s’illusionne dans les décombres de la guerre du Vietnam.
Coup de cœur ! Marc Dugain, à qui l’on doit
également le célèbre roman La chambre des officiers (primé et adapté au cinéma) s’attaque ici à plusieurs sujets qu’il entremêle dans une sorte de « dérive-movie » subtile et magnifique.
Il prend comme base la véritable histoire d’Edmund Kemper, un tueur en série toujours en détention dans la prison de Vacaville en Californie, ayant échappé à la peine de mort,
condamné pendant son moratoire entre 1971 et 1974, à la détention à perpétuité. L’auteur crée un personnage fictif en tous points semblable (ou presque) avec Kemper. Il le nomme
Al Kenner. Comme Kemper, Kenner est un géant (2,20 m). On fait sa connaissance au début de son parcours criminel, mais même s’il est question
ici d’un « serial killer », l’auteur réussit l’exploit de nous épargner les descriptions morbides ou sanguinaires tout au long du récit, et de nous entrainer dans un véritable suspense. En toile
de fonds du personnage principal, c’est tout le portrait de l’Amérique de cette période que Marc Dugain nous dépeint, à la fois dans ses excès, dans son incroyable créativité et
dans ses terribles paradoxes. C’est l’époque où s’affrontent deux mondes, même en Californie. La vieille Amérique réac, sûre de son bon droit et de sa bonne conscience, celle qui va au Vietnam
défendre ses « valeurs » et son mode de vie (le marché un tout petit peu aussi), celle qui a le droit de tuer pour imposer ses principes, d’un côté, et, de l’autre, la « contre-culture », ces
hippies, tenants d’un mode de vie différent dans lequel la consommation n’a plus cours, et qui prônent au nez et à la barbe d’une population chrétienne médusée le « peace and love », le «
free-sex ». Le pire étant que les soldats partis défendre la liberté reviennent déboussolés, perdus, et sombrent dans l’oubli et l’abandon, en marge de cette société qui les avait glorifiés en
les envoyant là-bas. Toute cette période est superbement décrite, dans un texte à l’écriture fluide, percutante, un style vif, un ton à la fois plein de profondeur et d’humour.
Notre personnage principal est une sorte d’étranger de Camus, version tueur en série, totalement dépourvu d’empathie. Il vomit littéralement ces hippies, mais il est
très curieux de comprendre comment ces enfants de la bourgeoisie, en particulier les filles, en sont arrivés à cette dérive de la pensée et à cette forme de décadence. Al voue,
au fond, une détestation sans borne à une grande partie de la gent féminine. Ces femmes, et en particulier sa mère, à qui il va quémander quand même de l’attention, tout au long de ce roman.
L’auteur pose aussi la question de la psychologie des tueurs en série. Quelle part d’inné dans leurs effroyables personnalités ? Qu'est-ce qui tient des parents, des maltraitances subies ?
Si vous voulez faire connaissance avec Edmund Kemper, qui a très largement inspiré le personnage
d’Al Kenner, vous pouvez vous procurer les livres de Stéphane Bourgoin sur les tueurs en série, et regarder ce document dans lequel il les a interviewés dans
leurs prisons : Paroles d’assassins
Marc Dugain Avenue des Géants (Folio)
Mots-clés : années 60, Californie, contre-culture, Ed Kemper, hippies, psychologie, tueurs en série