Quatrième
de couverture
A quatre heures du matin le 13 mars 1964, à New York, dans le Queens, une jeune femme qui rentre chez elle est agressée dans la
cour de son immeuble. Des voisins entendent ses cris, mais personne n’appelle les secours. Concentré sur deux heures, De bons voisins raconte les derniers instants de cette femme. Mais c’est
aussi l’histoire de ses voisins, témoins inertes de son calvaire : une jeune recrue de l’armée, angoissée à la veille de la visite médicale qui décidera de son départ pour le Viêtnam ; une femme
qui pense avoir tué un enfant ; un couple qui fait sa première expérience échangiste... C’est enfin l’histoire de la ville, de ses nuits faussement calmes, de sa violence aveugle.
Ryan David Jahn s’empare ici d’un fait divers réel, le meurtre de Kitty Genovese, qui a défrayé la chronique dans les années 1960
et donné naissance à la notion d’“effet du témoin” : lors d’une situation d’urgence, les témoins sont d’autant moins susceptibles d’intervenir qu’ils sont nombreux.
Usant de toutes les ressources du roman pour interroger cette criminelle passivité, l’auteur mène de concert de multiples fils
narratifs, les entrecroise avec un art consommé du récit et tisse le sordide canevas de nos démissions ordinaires.
Incroyable
histoire, vraie de surcroît, qui laisse un sale goût... de dégoût et stupéfaction. Les paragraphes très courts décrivant l'occupation des témoins à l'heure du drame alternent avec ceux recréant
l'agonie durant deux heures à peine supportable de la victime. Cette dernière est décrite comme une femme extrêmement forte, d'une volonté ahurissante par rapport à l'indifférence générale. A
l'instant même où le premier coup de couteau l'atteint, ils sont effectivement nombreux à entendre ses cris et à se pencher sur la cour de l'immeuble. Et chacun y va de son : "- Il faudrait
peut-être appeler la police. - Non quelqu'un a du déjà le faire, inutile de monopoliser la ligne." Ces deux phrases, communes quasiment à tous les observateurs, résonnent encore dans ma tête
après la lecture.
Qu'elle réaction pourrai-je avoir moi-même face à une situation similaire. Qu'est-ce qui fait que notre attention soit bien plus monopolisée par nos tracas immédiats que par un drame extérieur.
De l'autre côté d'une vitre... cela ne nous concerne sans doute pas... D'ailleurs l'auteur met souvent ses personnages face
à des reflets, à des miroirs, comme pour exprimer la métaphore de l'égocentrisme. Ces doubles ne renvoient qu'à eux-mêmes. Aucun n'arrive à briser la glace de tain. Le seul
qui prend l'initiative d'ouvrir une fenêtre ne fera que chasser temporairement le meurtrier : ni lui ni aucun autre n'aura le réflexe de descendre voir si la jeune femme se porte bien ou
non.
Cette histoire est inspirée d'un fait divers réel, le meurtre de Catherine Susan "Kitty" Genovese dans le Queens,
en 1964, qui a servi de base au développement de la théorie du “bystander effect” (l'"effet du témoin") en criminologie. Et je vous invite à lire l'article très complet (mais en anglais) sur le site Wikipédia.
Mais Ryan David Jahn va encore plus loin. Il dresse aussi le profil d'une société en mouvement, celle des années 60. La Prohibition et la seconde guerre mondiale sont derrière
nous, mais la guerre du Viêtnam vient d'éclater. Le racisme à l'égard des populations noires ou homosexuelles est toujours très présent. La violence est partout. Elle enveloppe toute la société,
elle s'immisce dans les moindres recoins : un jeune ambulancier victime de sévices sexuels aimerait se venger, un policier véreux est couvert par ces supérieurs etc. etc. etc.
Voici donc un roman extrêmement fort, magnifiquement écrit, qui laisse un arrière-goût de frustration après sa lecture mais qui donne une sacrée leçon, une sacrée claque !
Ryan David Jahn De bons voisins (Acts of violence) (Actes Noirs)
Mots-clés : années 60, crimes sexuels, fait-divers, roman noir, témoins, violence