De gauche à droite : Daphné Arthomas, Boris Verrières, André Fortin, Ingrid Desjours, Dominique Manotti, Dominique Guégan
(modératrice)
Ci-dessous, un contre-rendu de cette rencontre passionnante.
Voir le programme et la présentation des intervenants
Voir l'illustration de la rencontre réalisée par Thomas Balard
Découvrez en fin d'article les conseils
littéraires et télévisuels de nos intervenants
Cette année, la rencontre a réuni plus d'une quarantaine de personnes. Un grand succès qui se confirme d'année en
année.
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Daphné Arthomas de la Gazette de Nîmes nous a expliqué la manière journalistique de traiter les faits divers. Dépendants du secret de l'instruction, les journalistes sont
souvent obligés d'aller piocher des éléments par leurs propres moyens. Boris Verrières, capitaine de police à la brigade criminelle, confirme que les données directement liées
aux enquêtes et connues des seules parties que constituent la police et les éventuels coupables doivent obligatoirement restées confidentielles. Les médias doivent donc chercher à aborder
l'information par des angles de vue différents s'ils veulent capter le public et éviter de le lasser par des discours redondants qui n'apportent rien ou pire, par manque de "sources sûres",
désinforment. L'exemple est pris de Mohammed Mehra, meurtier abattu dernièrement par le RAID. Ce jour là Mehra serait mort "plusieurs fois".
André Fortin, magistrat, juge d'instruction et ancien juge pour enfant, expose les différentes procédures du
suivi des enquêtes mais dénonce aussi les dérives et les luttes de pouvoir y compris au sein de la magistrature. A l'instar de Dominique Manotti qui évoque celles de la police en
prenant un exemple précis (sujet de son roman Bien connu des
services de police). Elle se défend évidemment d'attaquer l'institution policière dans son ensemble mais met le doigt sur des exactions qui existent et qui ne doivent pas être tues.
Boris Verrières n'a jusqu'à présent pas été confronté à ce genre de problème et redoute que l'effet de loupe du roman de Dominique Manotti ne vienne donner une
image négative globale de la police. Il reconnaît néanmoins et à juste titre, que dans un quotidien qui n'est pas toujours simple, chacun se serre les coudes et se soutient d'autant que leur
travail n'est pas un job individualiste mais bel et bien un travail d'équipe. Quand on lui demande ce qu'il fait en rentrant chez lui après une journée passée à la crim' : "Je bois."
Plaisante-t-il. Rire du public.
Avec Ingrid Desjours, sexo-criminologue, on évoque la partie psychologique du débat. Son expérience en Belgique sur des cas de pédophilie
démontre bien la difficulté du jugement et de la réinsertion ou non de certains sujets. La part de perversité de certains n'étant pas à attribuer systématiquement à la maladie. Leur capacité
intellectuelle à manipuler et à être plus "psychologue" que le psychologue, leur donnent une emprise lors des entretiens qui peut dérouter leur interlocuteur. Ceux-là restent néanmoins très
rares. Au-delà de ça, l'expérience d'Ingrid Desjours nourrit en profondeur ses romans. Au risque de voir en Garance Hermosa, son héroïne, son parfait alter ego, ce qui tendrait à
faire croire qu'Ingrid Desjours est particulièrement torturée, elle n'hésite néanmoins pas à donner d'elle-même. Jusqu'à s'inspirer d'un fait réel auquel elle a été confrontée et
dont le dénouement fut malheureusement tragique. Dans Echo, elle offre une résolution, fait un pied de nez à
la fatalité et s'octroie la possibilité de se libérer de cette expérience douloureuse. André Fortin, qui met en scène un juge d'instruction, dans une série initié par Un été grec, s'interdit à contrario d'évoquer des affaires qu'il a couvertes même en les
masquant par de faux noms, faux lieux etc.
Dominique Manotti, historienne et ancienne militante syndicale, quant à elle, puise son inspiration dans l'actualité. Partant d'un
fait divers, elle recueille le plus de documentation à la fois pour voir comment l'information est traitée et complétée ou au contraire complètement délaissée, voire banalisée. L'accumulation de
ces recherches peut prendre plus d'un an. Très investie socialement, ces romans noirs viennent appuyer les dire d'André Fortin qui dissocie dans le crime l'inné et l'acquis.
L'innée étant lié à la personne intrinsèque et l'acquis serait ce qui peut rendre un individu malade, délinquant etc. Ainsi la société actuelle peut être génératrice de criminels. Mais
Dominique Manotti évoque également un système corrompu dont le premier crime consiste à amasser des sommes considérables par des actionnaires peu scrupuleux et à partir duquel
découlent par effet de domino descendant toutes sortes de malaises sociaux pouvant engendrer crimes et trafics en tout genre. Et dans un effet pervers, ces derniers viennent nourrir les premiers.
Elle trouve d'ailleurs incroyable qu'en France, on ne sache pas comme aux Etat-Unis assumer certaines de nos dérives.
La rencontre a été ponctuée de références télévisuelles, cinématographiques ou littéraires. Voici les conseils de nos
intervenants.
Daphné Arthomas
- 38 témoins. Film de Lucas Belvaux qui parle de l'"effet témoin" : comment 38 personnes témoins d'un crime n'ont pas réagi. (Note
de Soleil Vert : un livre, dont ce film pourrait bien être inspiré, a été traduit en début d'année chez Actes Noirs, De bons voisins, de Ryan David Jahn fait référence à un fait divers
réel du même genre ayant eu lieu dans les années 60.)
- Tout, tout de suite. Roman de Morgan Sportes inspiré par l'affaire du gang des barbares.
Boris Verrières
- L 627. Film de Bertrand Tavernier sorti en 1992 qui dépeint avec réalisme le quotidien d'une brigade
des stups.
Ingrid Desjours
- R.I.S. . La série TV dont elle est scénariste.
Dominique Manotti
- La griffe du chien. Roman de Don Winslow. Une oeuvre incontournable sur le trafic de drogue et
l'hypocrisie de mise à la fois de la part des Etats-Unis et du Mexique pour le combattre.
- (avec André Fortin) De sang froid. Roman de Truman Capote. Publié en 1966, ce récit
relate un fait divers de 1959 : deux jeunes truands tuent, sans mobile apparent, quatre membres de la famille d'un fermier. Capote, tombant sur l'article traitant de ce crime, décide de relater
cette histoire avec la plus grande précision.
- Sur écoute (The wire). Série TV américaine qui a pour sujet la criminalité dans la ville de Baltimore, à travers la
vision de ceux qui la vivent au quotidien : policiers, trafiquants en tous genres, politiques, enseignants, journalistes, résidents de Baltimore, etc.
Remerciements : à la mairie de Calvisson, à
la communauté de communes de Sommière et à la Région Languedoc-Roussillon qui nous subventionnent. A l'équipe de la médiathèque qui nous accueille. A
Thomas Balard, illustrateur, qui nous a encore (c'est lassant ) fait une superbe affiche.
L'année prochaine, promis, il dédicacera ses affiches.