Il y a quelque temps nous vous alertions sur la hausse de la TVA passée de 5.5% à 7% au 1er avril 2012.
Cette hausse est évidemment très mal vécue par l'ensemble de nos confrères avec qui nous avons des contacts pour des raisons que
nous avons évoquées superficiellement ici. Dans le cadre d'une enquête réalisée par le site
culturel Maxoe nous avons répondu à un questionnaire concernant cette TVA à 7%.
Le blog de Soleil Vert, s'il est avant tout un site prescripteur de lectures, est aussi une sorte de journal intime de la vie
d'une petite librairie comme la notre. Et il nous apparaît important que vous qui nous suivez, vous compreniez bien les enjeux et les risques d'une telle hausse, pas seulement à court
terme.
Le questionnaire auquel nous avons répondu et que nous publions ici avec l'accord de Maxoe viendra s'enrichir des
autres avis ou sentiments à l'encontre de cette décision gouvernementale. Il sera intéressant de voir si tous les libraires ont le même ressenti et en cas inverse pourquoi. Espérons que les
résultats de cette enquête sera constructive.
En attendant voici nos réponses à nous et il serait intéressants que vous réagissiez à cette interview en mettant vos
commentaires. Que les lecteurs que vous êtes, donniez aussi votre avis. Que vous soyiez ou non d'accord avec nous, le sujet n'est pas anodin :
- Comment percevez-vous l’augmentation de la TVA sur le livre papier ?
Très mal évidemment. Et il sera difficile de ne pas politiser mes propos. Il faut bien comprendre que ceux qui s’octroient cette
décision sont les mêmes qui ferment des écoles pour ouvrir des prisons. Ce sont les mêmes qui n’ont aucun intérêt à ce que les gens se cultivent et donc s’informent. Les mêmes qui se baladent
avec Nerval sous le bras sans jamais avoir lu une ligne de poésie de leur vie, pire, ceux qui nous parlent de « Zadig ET Voltaire » (je me demande qui en est l’auteur, tiens ;) )
- Quelles sont pour vous les conséquences de cette mesure à court, moyen et long terme ?
A court terme, pour tous les acteurs du livre, c’est une charge de travail supplémentaire. Ré-étiquetage (impossible pour les petites librairies non équipées), re-paramétrage des bases de
données, mises à jour de ces dernières. A moyen terme, en plus de l’augmentation du prix du livre, c’est une augmentation par l’arrondit, exactement comme cela s’est produit avec le passage du
franc à l’euro. C’est le pouvoir d’achat des français qui s’en trouve encore menacé. C’est en termes d’éducation, alors que les livres scolaires sont de plus en plus chers, une possible
régression. Croire que 50cts de plus sur un livre ce n’est rien, c’est ne pas avoir de problème d’argent (tant mieux pour ceux-là). Or moi qui me trouve dans le Gard, un département bien connu
pour sa courbe exponentielle du taux de chômage, c’est évidemment catastrophique puisque pour donner l’accès à la culture aux plus démunis (ou tout du moins aux petits budgets), nous sommes de
plus en plus obligés d’avoir une offre de livres d’occasion, ce qui sera aussi au détriment des éditeurs et par rétro-action des libraires, car s’ils commandent moins de neuf, leurs remises
diminueront. C’est un effet domino pervers, un cercle vicieux. J’ai le sentiment qu’il y a une vraie volonté de dévoyer la culture et pire de faire marche arrière en revenant un jour sur le
fondement même de la Loi Lang.
- Certains pays comme la Grande-Bretagne possèdent une TVA à 0% sur le livre papier. Pensez-vous comme Antoine
Gallimard (notamment) que la France aurait du tendre vers un taux réduit ?
Evidemment. De là à la descendre à 0% je ne sais pas. Si tout le monde était sur un pied d’égalité, à savoir un système financièrement sain, on pourrait ce dire que tout le monde doit contribuer
au bon fonctionnement de ce système. A ce moment là, rien n’indique que telle ou telle profession doive payer une contribution plus forte que d’autre. Et à ce moment là, même les métiers du livre
auraient à y participer. Mais dans le contexte actuel, on connaît très bien les motivations de nos gouvernants. Aussi même si je ne crois pas une seconde que l’on puisse descendre à 0%, je doute
que l’on puisse descendre tout court.
- Cette mesure doit-elle selon vous être rediscutée et pensez-vous qu’un retour en arrière reste possible
?
Rediscutée, c’est indéniable et rien n’est jamais irréversible même si mon opinion reste assez pessimiste comme vous avez pu le constater. Ce qu’il faut d’abord redéfinir, c’est la place qu’on
veut attribuer à la culture. Elle n’est certes pas de première nécessité pour ceux qui n’ont même pas de quoi se nourrir ou se chauffer correctement. Mais pour d’autres, elle est juste secondaire
parce qu’encore une fois, soit parce qu’ils ont les moyens d’y accéder sans même réaliser la chance qu’ils ont soit parce que la culture et l’information à quelque chose de dangereux. Sans
compter qu’elle est de plus en plus dévaluée par les médias et les programmes télévisuels accablants alors qu’elle est la base indispensable à toute société en « bonne santé ». Le livre ne fait
donc pas exception et quelque soit le résultat des élections prochaines, TOUS les libraires savent que c’est ce résultat qui déterminera peut-être l’avenir de leur métier, indépendamment de
l’énergie qu’ils mettent à (sur)vivre.
- Le lecteur ne semble pas percevoir les conséquences de cette augmentation notamment pour les libraires indépendants. Comment leur expliquer les dangers potentiels de cette mesure
?
Nous, nous communiquons via notre blog, par moyen d’affichage et en face à face avec nos clients. Il est indispensable que mes collègues en fassent autant. Nous avons à endosser un vrai rôle «
pédagogique » pour expliquer justement à nos clients les dangers de cette mesure. Pas seulement pour nous avec les implications logistiques mais aussi pour eux et leur potentiel d’achat. Il faut
savoir que certains éditeurs ont augmenté arbitrairement de 10 à 50cts tout leur fonds. D’autres ont appliqué des taux. Sauf que lorsqu’on fait le calcul réel de ces augmentations elles varient
entre 3 et 5% d’augmentation alors que la TVA, elle, n’a pris qu’1,5% point de plus. Or on omet de communiquer sur le coût immédiat de la logistique pour les éditeurs et les libraires qui
justifie en partie cette hausse importante des prix de par le coût énorme qu’il faut désormais amortir.
Il est donc difficile de blâmer les éditeurs. Pour autant, la loi Lang fixant le prix unique (et tant mieux), ça veut dire que pour le libraire, lui n’a aucun levier pour amortir ce coût.
L’augmentation du prix compense la réduction de sa marge qu’il y aurait eu en cas de maintien du prix initial mais pas les charges supplémentaires. Pour nous par exemple cela nous coûte 270€ de
mise à jour de ma base de données (170€ de maintenance, 150€ de MAJ). A cela se rajouterai, mais je n’en ai pas les moyens, le coût des étiquettes pour ré-étiqueter tous les livres ayant un prix
imprimé. Et n’ayant pas non plus les moyens d’embaucher quelqu’un, il faudrait pourtant prendre en compte aussi la valeur du temps de travail que cela rajoute. Si je chiffre à la louche, cela
pourrait bien atteindre 1200€ de frais. C’est considérable pour une toute petite structure comme nous !
Propos recueillis par Sébastien Moig de Maxoe